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Essais

cernée par la loi, si leur penchant & leurs discours suffisoient pour les faire absoudre. Car quel est l’amour-propre assez fort, ou la philosophie assez insensible pour refroidir un homme au point d’être alors d’une indifférence totale ? Il faut être fort au-dessus ou fort au-dessous de l’humanité, pour ne point entrer dans une conspiration générale. Est-il donc surprenant que les sentimens moraux aient tant d’influence sur les mœurs, quoiqu’ils partent de ressorts qui semblent, au premier coup-d’œil, foibles & incapables de produire de si grands effets ; Mais nous devons observer que ces principes sont universels dans la société. Ils forment, pour ainsi dire, la ligue du genre humain contre le vice & le désordre ses ennemis ; comme cet esprit de bienveillance est plus ou moins répandu parmi les hommes, quoique le même dans tous, il fait très-souvent la matiere de la conversation, il est entretenu par la société. C’est ainsi que le blâme & l’approbation sortent de l’état de léthargie, ou ils resteroient probablement dans une nature isolée & grossiere ; souvent leur puissance est