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Essais

culieres ; mais lorsqu’il donne à ce même homme les épithetes de vicieux, d’odieux, de dépravé, on sent tout de suite qu’il parle un autre langage & qu’il exprime des sentimens qu’il veut faire partager à ceux qui l’écoutent ; il faut donc pour lors qu’il quitte sa position personnelle, & qu’il choisisse un point de vue qui lui soit commun avec tous les autres ; il faut qu’il mette en mouvement quelque ressort universel de la nature humaine, & qu’il touche une corde qui soit à l’unisson de tous les cœurs ; ainsi s’il a envie de faire voir que cet homme a des qualités qui tendent au malheur de la société, il choisira cette circonstance comme un point de vue commun, il touchera le principe de l’humanité sur lequel tous les hommes sont d’accord entre eux. Tant que le cœur de l’homme sera tel qu’il est, il ne sera jamais totalement indifférent au bien-être de l’humanité, & ne sera point entiérement insensible au but où tendent les actions & les mœurs ; & quoiqu’on ne regarde peut-être pas cet amour de l’humanité, comme une passion aussi forte que la