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Essais

duisent l’un de ces sentimens, & une aversion proportionnée pour ceux qui produisent l’autre. Ceux qui soutiennent avec tant d’opiniâtreté que c’est l’amour-propre qui prévaut dans toutes nos actions, n’auront pas lieu de se scandaliser, si on leur dit que le sentiment des vertus premieres est foible ; au contraire ils doivent être disposés à embrasser cette opinion préférablement à toute autre, & leur génie qui paroît moins dépravé que satirique, doit naturellement combiner l’un & l’autre de ces systêmes, qui ont réellement entre eux une liaison très-grande & indissoluble.

L’avarice, l’ambition, la vanité & toutes les passions, que le commun regarde improprement comme les effets de l’amour-propre, ne sont point pris dans notre systême pour la cause du sentiment moral ; non que ces passions soient trop foibles, mais parce qu’elles ne tendent point directement à satisfaire l’amour-propre. L’idée du terme moral renferme un sentiment commun à tous les hommes : il faut qu’ils approuvent un objet généralement, & que chaque homme