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de Morale.

Si j’étois Alexandre, disoit Parmémion, j’accepterois les offres de Darius. Je les accepterois aussi, dit Alexandre, si j’étois Parménion. Longin trouve ce mot admirable par les mêmes raisons. Le même héros disoit à ses soldats, lorsqu’ils refusoient de le suivre dans les Indes : «allez, & dites à vos concitoyens que vous avez quitté Alexandre, lorsqu’il alloit achever la conquête du monde». Le prince de Condé, qui avoit sans cesse ce trait dans la bouche, disoit qu’Alexandre, abandonné par ses soldats au milieu des barbares, qu’il n’avoit pas subjugués encore, sentoit en lui-même tant de grandeur & un droit si sûr de commander aux hommes, qu’il ne croyoit pas qu’il pût se trouver quelqu’un sous le ciel qui refusât de lui obeïr ; en Europe comme en Asie, soit parmi les Grecs comme parmi les Perses, par-tout où il trouvoit des hommes, il croyoit devoir trouver des sujets[1].

  1. La confidente de Médée, dans la tragédie de ce nom, lui recommande la prudence & la soumission, & après avoir fait à sa maîtresse l’énumération de tous les malheurs