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Essais

une partie considérable du mérite personnel ; si un homme qui possède ces qualités a plus de raisons que celui qui en est privé, d’être content de lui-même, & plus de titres pour mériter la bienveillance, l’estime & les bons offices des autres ; en un mot si les sentimens que ces qualités s’attirent sont les mêmes que ceux qu’inspirent les vertus sociales, quelle raison aurions-nous pour être si scrupuleux sur un mot, & pour douter si ces qualités méritent le nom de vertus[1] ? on peut en effet soutenir que le sentiment d’approbation que ces perfections excitent

  1. Il me paroît que dans notre langue le courage, la tempérance, l’industrie, la frugalité, &c. sont appellées vertus, du moins dans le langage ordinaire, mais lorsqu’on dit qu’un homme est vertueux, on veut principalement caractériser ses qualités sociales. Il n’est pas nécessaire dans un discours moral & philosophique de faire attention à toutes ces bizarreries de la langue, qui peuvent varier avec ses différentes dialectes & ses différentes époques ; les sentimens des hommes étant plus importans & moins sujets à varier, méritent un peu plus nos spéculations ; cependant on peut remarquer en passant, que dès que l’on parle des vertus sociales, cette distinction suppose qu’il y a des vertus d’une autre nature.