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Essais

nions nos pas, & quelque réflexion que nous fassions sur ce qui se passe autour de nous, tout nous présente l’image du bonheur ou de l’infortune, & excite en nous un mouvement sympathique de plaisir ou de chagrin. Nous éprouvons ce sentiment au milieu de nos occupations les plus sérieuses comme au milieu de nos amusemens. Un homme qui entre dans une salle de spectacle, est frappé tout de suite par la multitude assemblée pour prendre part à un divertissement commun ; cette vue seule lui fait déjà éprouver une plus grande sensibilité, ou le dispose à s’affecter plus intimement de tous le sentimens qu’il doit partager avec ses semblables ; les acteurs aussi sont animés par le grand nombre de spectateurs ; cette salle remplie de toutes parts les échauffe d’un enthousiasme dont ils ne seroient point saisis dans des momens de tranquillité & de solitude. Un poëte habile, comme par un pouvoir magique fait partager à ses spectateurs à son gré toutes les impressions théâtrales : ils pleurent, ils tremblent, ils s’indignent, ils se réjouissent & sont remués par les mêmes passions qui