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de Morale.

déterminé, qui en s’appercevant de tant d’extrémités si opposées, ose nier la distance immense qui se trouve entre elles. Quelle que soit l’insensibilité d’un homme, il ne laissera pas d’être souvent touché par les images de juste & de l’injuste, & quelle que soit la force de ses préjugés, il ne pourra s’empêcher de voir que les autres sont susceptibles de la même impression ; ainsi le seul moyen de convaincre un adversaire de ce caractere, est de l’abandonner à lui-même ; car s’il ne trouve personne qui veuille s’engager avec lui dans la dispute, il y a tout lieu de croire que l’ennui suffira à la fin pour le rappeller au bon sens & à la raison.

Il n’y a pas long-tems qu’il s’est élevé une dispute plus digne d’attention, sur la base générale de la morale, il s’agit de savoir s’il faut la fonder sur la raison ou bien sur le sentiment : si nous parvenons à la connoissance par une chaîne de raisomemens & de conséquences, ou par sentiment intérieur & immédiat, si, ainsi que tous les jugemens sains sur le vrai & sur le faux, la morale est la même pour tous les êtres intelligens & rai-