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sur la Tragédie.

sauroit être bien vif sans en être accompagné. Tous les amans se plaignent des tourmens de l’absence ; & avec tout cela les petites absences sont ce qu’il y a de plus favorable pour l’amour ; si les longues y nuisent ce n’est que parce que le tems nous y accoutume, & nous apprend à les supporter. La jalousie & l’absence composent en amour ce que les Italiens nomment le dolce piccante, en quoi selon eux, consiste l’essence du plaisir.

L’aîné des Plines a fait une observation, très-belle & très-délicate, qui répand un jour merveilleux sur mon principe. C’est, dit-il, une chose remarquable que les derniers ouvrages des célebres artistes, que la mort les empêcha de finir, sont ceux dont on fait le plus de cas. Tels sont, par exemple, l’Iris d’Aristide ; les Tyndarides de Nicomaque, la Médée de Timomaque, & la Vénus d’Apelle, que l’on met bien au-dessus de leurs productions les plus parfaites. On étudie soigneusement les traits ébauchés, & les idées à demi, exécutées ; enfin, ce qui ajoute au plaisir, c’est le regret même que nous donnons