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sur la Tragédie.

ment infini ; les épilogues de Cicéron, surtout, sont les délices de tout lecteur qui a du goût & de l’intelligence, il y en a qu’on ne lira guere, sans se sentir ému jusques au fond du cœur : le succès de cet orateur dans cette partie de ses harangues fait assurément son principal mérite : jamais les juges, ou ceux qui composoient son auditoire ne goûtoient plus de plaisir que lorsque les larmes couloient de tous les yeux : & jamais l’orateur n’étoit plus applaudi que lorsqu’il les faisoit couler. La description pathétique du massacre des capitaines de Sicile, ordonné par Verres, est un chef-d’œuvre dans ce genre ; mais personne penseroit-il qu’il eût pris plaisir à assister à une scene aussi horrible ? Cependant on ne sauroit dire que la tristesse soit ici adoucie par la fiction : tous les auditeurs étoient convaincus de l’exacte vérité de l’événement, avec toutes ces circonstances. Qu’est-ce donc qui tire ici, pour ainsi parler, le plaisir qui conserve tous les traits & tous les symptômes de la plus profonde affliction.

Je réponds que cet effet qui paroît si extraordinaire est dû à l’éloquence même qui