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sur la Tragédie.

ajoute à la théorie de l’abbé Dubos ce qu’il croit nécessaire pour la perfectionner. «Le plaisir & la douleur, dit-il, qui sont deux sentimens si différens, ne différent pas beaucoup dans leur cause. Il paroît par l’exemple du chatouillement que le mouvement de plaisir, poussé un peu trop loin, devient douleur, & que le mouvement de la douleur, un peu modéré, devient plaisir. De-là vient encore qu’il y a une tristesse douce & agréable, c’est une douleur affoiblie, & diminuée. Le cœur aime naturellement à être remué, ainsi les objets tristes lui conviennent, même les objets douloureux, pourvu que quelque chose les adoucisse. Il est certain qu’au théâtre la représentation fait presque l’effet de la réalité ; mais enfin elle ne le fait pas entiérement ; quelque entraîné que l’on soit par la force du spectacle, quelque empire que l’imagination & les sens, prennent sur la raison, il reste toujours au fond de l’esprit je ne sais quelle idée de la fausseté de ce qu’on voit. Cette idée, quoique foible & enveloppée, suffit pour»