Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 4, 1788.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
sur la Tragédie.

détourner son attention de lui-même ; & il ne lui importe quelles passions, qu’elles soient désagréables, tristes, mélancoliques, déréglées ; il les préfere toujours à cette langueur insipide qui naît du repos & de la tranquillité.

On ne sauroit nier qu’il n’y ait bien des choses satisfaisantes dans cette explication. Dans une sale où il y a plusieurs tables de joueurs, la compagnie s’attroupe autour de celle où l’on joue le plus gros jeu, quand même on y joueroit avec moins d’intelligence qu’aux autres : c’est qu’on y voit, ou du moins qu’on s’imagine de voir des passions proportionnées à la grandeur du gain ou de la perte : & l’intérêt que l’on y prend, faisant en quelque maniere ressentir le contrecoup de ces passions, sert à nous amuser pendant quelques momens : le tems passe plus vîte, & nous nous trouvons soulagés de l’ennui qui nous accable dans la solitude.

Les menteurs de professions outrent tout, les événemens sinistres aussi bien que les événemens heureux : toutes sortes de périls, de souffrance, de misere, de maladie, de mort, d’assassinat, de cruauté, de