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Dissertation

par voie de contraste. Le poëte emploie tout son art à exciter & à entretenir dans nos esprits l’indignation & la pitié, la colere la terreur : plus il sait nous affliger, plus nous sommes contens, & nous le sommes au plus haut point, lorsque par des larmes, des cris & des sanglots nous pouvons soulager nos cœurs opprimés de compassion & d’attendrissement.

Un phénomene aussi singulier n’a point échappé à ce petit nombre de critiques qui ont eu quelque teinture de philosophie ; ils ont tâché d’en découvrir les causes, & de l’expliquer.

L’abbé Dubos, dans ses réflexions sur la poësie & la peinture, pose pour base que rien n’est plus désagréable à l’esprit que cette langueur, ce désœuvrement, cette indifférence où il tombe, lorsqu’il est vuide de passions. Pour sortir d’un état qui lui pese si fort, il a recours à tout ce qu’il croit pouvoir l’amuser ou le distraire, au travail, au jeu, aux spectacles les plus sanglans, comme sont par exemple les exécutions, pourvu qu’en lui donnant des passions, ils puissent