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Dissertation.

jaloux, & de ne jamais trahir, ne fût-ce que pour un instant, les mouvemens de son cœur, par complaisance pour un auteur, quel qu’il puisse être.

De toutes les erreurs spéculatives qui peuvent se glisser dans les ouvrages de génie, il. n’y en a point de plus excusables que celles qui regardent la religion. Il n’est jamais permis de juger de la civilité ou de la sagesse d’une nation par la grossiéreté ou le rafinement des principes de théologie qu’elle professe ; le bon sens qui dirige les hommes dans les affaires de la vie, n’a plus lieu dans les matieres religieuses, parce que l’on suppose ces matieres placées hors de la portée de la raison. C’est pourquoi le critique qui veut se faire une juste idée de la poésie des anciens, ne doit pas faire attention aux absurdités du systême payen ; notre postérité doit avoir la même indulgence pour nous. Un article de foi ne peut jamais passer pour un défaut dans le poëte, il ne le devient que lorsque, s’emparant du cœur, il le jette dans la bigotterie ou dans la superstition : ce n’est qu’alors qu’il brouille les sensations mora-