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Réflexions.

elles ont même dans cette situation d’autant plus de force que l’esprit ne peut faire fonds sur rien, & qu’il est au comble de l’incertitude. Mettez un degré de probabilité de plus du côté de la tristesse ; vous la verrez immédiatement se répandre sur tout le mélange, & lui donner la teinture de la crainte : augmentez cette probabilité, la tristesse augmentera, & la crainte avec elle : la joie diminuera dans la même proportion ; & à la fin il ne restera que la tristesse toute seule. Alors faites l’opération contraire, diminuez la probabilité qui se trouve du côté de la tristesse, vous verrez peu-à-peu les nuages s’éclaircir, jusqu’à ce que la passion devienne espérance ; celle-ci se changera en joie par des nuances imperceptibles, à mesure que vous augmenterez cette partie de la composition, en augmentant la probabilité. N’est-ce pas une preuve bien claire que l’espérance & la crainte sont des mélanges de joie & de tristesse ? N’est-ce pas ainsi qu’on prouve qu’un rayon, rompu dans le prisme, est formé de deux rayons ? ne le conclut-on pas de ce qu’en diminuant, ou en augmen-