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Dissertation.

dra-t-il donc jeter les portraits de nos ancêtres, à cause des fraises & des vertugadins dont nous les voyons ornés ? Il en est tout autrement lorsqu’il s’agit d’idées qui regardent la morale, ou la décence, & que ces idées different d’un siecle à l’autre : par-tout où le vice est dépeint sans qu’on lui attache une marque de blâme ou d’infamie, c’est une tache réelle, & qui incontestablement défigure un poëme : je ne puis ni ne dois me plaire à de pareils sentimens : j’excuserai le poëte sur les usages de son tems ; mais je ne saurois goûter le morceau qui représente ces usages. Les traits d’inhumanité & d’indécence répandus si ouvertement dans les caracteres tracés par plusieurs poëtes de l’antiquité, sans en excepter Homere & les tragiques Grecs, ces traits, dis-je, diminuent considérablement le prix de ces productions d’ailleurs si excellentes ; & à cet égard les modernes ont un grand avantage sur les anciens. Qui s’intéresseroit à la fortune & aux sentimens de héros aussi féroces ? qui ne seroit choqué de voir ainsi confondre le vice avec la vertu ? Quelque indulgence que nous