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sur la regle du Goût.

toujours des raisonnemens bien justes bien précis ; mais c’en sont au moins de plausibles & de spécieux, & le coloris, dont l’imagination les couvre, n’empêche pas qu’on les reconnoisse. Les personnages qui paroissent dans les tragédies & dans les poëmes épiques, raisonnent, pensent, concluent, agissent conformément à leur caractere, & à leur situation. Pour réussir dans une tâche aussi délicate, il ne suffit pas que le poëte ait du goût & de l’invention ; il faut du jugement. D’ailleurs, qu’elles sont les facultés dont la perfection perfectionne l’entendement ? ce sont la netteté de la conception, la justesse du discernement, la vivacité de l’esprit ; mas ces mêmes facultés sont les compagnes inséparables du goût, qui sans elles ne sauroit subsister. Il est rare, ou plutôt il est inoui qu’un homme sensé ne puisse juger de la beauté des arts dont il a la routine ; & il n’est pas moins rare que l’on ait du goût sans avoir du bon sens.

Ainsi, quoique les principes du goût soient universels, & si non tout-à-fait, au moins à-peu-près les mêmes chez tous les