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Dissertation.

un même objet exciteroit mille sensations diverses, elles seroient toutes exactement ce qu’il faudroit qu’elles fussent ; la sensation ne représente jamais ce qui existe réellement dans l’objet, elle ne marque qu’un rapport entre l’objet & nos organes ou nos facultés ; & ce rapport a indubitablement lieu, puisque s’il n’avoit pas lieu la sensation n’existeroit pas. La beauté n’est pas une qualité inhérente dans les choses ; elle n’est que dans l’ame qui les contemple ; & chaque ame voit une beauté différente ; il se peut même que ce que l’un trouve beau, l’autre le trouve laid ; & à cet égard nous devons tous nous en tenir à notre façon de sentir, sans prétendre que les autres sentent comme nous. Il n’est pas plus raisonnable de chercher la beauté ou la laideur réelle, que de chercher le doux ou l’amer réel : le même objet peut être doux & amer, suivant la disposition des organes rien n’est plus vrai que le proverbe qui dit que l’on ne doit point disputer des goûts, ce qu’il faut absolument entendre du goût spirituel, aussi-bien que du corporel : ainsi, une fois au