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De La Religion.

Chez les nations barbares, quelquefois même chez les nations civilisées, lorsqu’on a épuisé, en faveur d’un despote arbitraire, tout l’art des flatteurs, lorsque ses qualités humaines ont passé par tous les degrés d’exagération, le servile courtisan en fait à la fin un dieu, & le présente aux peuples comme un être digne d’adoration. N’est-il pas encore beaucoup plus naturel qu’une divinité bornée, qui d’abord n’a fait que dispenser les biens & les maux de la vie, soit élevée, dans la suite, au rang de créateur & de souverain moteur de l’univers ?

Il sembleroit que par-tout où la notion d’un Dieu suprême est publiquement reçue, tout autre culte dût tomber, & qu’on ne dût rendre hommage qu’à l’Être des êtres ; cependant cela n’est pas. Une nation est-elle imbue de l’idée d’un dieu subalterne, d’un génie tutélaire, d’un saint, d’un ange ? Le culte qu’elle lui rend, acquiert, de jour en jour, plus de lustre, jusqu’à ce qu’à la fin il empiéte sur l’adoration qui n’est dûe qu’à l’Être suprême. La Vierge Marie, pour qui on n’avoit d’abord que l’estime qu’il con-