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De La Religion.

que l’ignorance consacrera. Les bois & les campagnes se peupleront de génies, d’esprits invisibles qui les habitent & les protègent. Les philosophes même ne se sont pas entiérement garantis de ce foible : ne les a-t-on pas vu donner à la matiere brute une horreur du vuide, des sympathies, des antipathies, & d’autres affections qui n’appartiennent qu’à l’espece humaine ? Au fond cela n’étoit pas plus absurde que de transporter, comme on ne le fait encore que trop, nos passions & nos foiblesses dans le ciel, de dépeindre la divinité comme un être jaloux, vindicatif, partial & capricieux, d’en tracer, en un mot, un portrait qui ressemble à un homme méchant & insensé, avec la différence qu’on lui accorde plus de pouvoir & d’autorité.

Faut-il donc s’étonner qu’avec cette ignorance totale par rapport aux causes, & tremblant à la seule pensée de l’avenir, le genre humain se soit soumis au gouvernement immédiat de certains pouvoirs invisibles, en qui il supposoit de l’intelligence & du sentiment ? Les causes inconnues toujours