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Histoire naturelle.

à revêtir tous les objets des qualités qui leur sont familieres, & qu’ils sentent en leurs propres personnes. Nous voyons une face humaine dans la lune, des armées dans les nuages, & nous penchons tous à attribuer de la bonne ou de la mauvaise volonté à toutes les choses indifféremment qui nous plaisent ou qui nous choquent ; il n’y a que l’expérience & la réflexion qui puissent nous corriger de cette erreur. De là le fréquent usage de la Prosopopée, & les beautés dont elle enrichit la poésie : les arbres, les montagnes, & les rivières se personnifient, la nature inanimée prend de la vie & du sentiment. Je veux que nous ne soyons pas les dupes de ces expressions poétiques, & que nous ne les confondions point avec la réalité ; nous y trouvons au moins du beau & du naturel ; cela ne prouve-t-il pas qu’elles plaisent à notre imagination, & qu’elles flattent un certain penchant qui est en nous ? Mais que dis-je ? Les dieux des fleuves & les Hamadryades ne passeront pas chez tous les hommes pour des personnages imaginaires ; leur existence peut devenir un article de foi,