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De La Religion.

tumé & moins il se sent d’envie de la creuser. La naissance d’un monstre attire la curiosité ; cet événement lui paroît un prodige ; sa nouveauté l’allarme : il tremble, il prie, il offre des sacrifices ; au lieu que dans un animal qui a tous ses membres bien proportionnés il ne trouve rien que de fort ordinaire, rien qui puisse lui inspirer des sentimens ou des pratiques religieuses. Demandez-lui d’où cet animal tire son origine ; il répondra, de l’accouplement d’autres animaux de même espece : & ceux-ci ? D’un accouplement antérieur. Il satisfait sa curiosité en la reculant : il lui suffit d’avoir mis une petite distance entre lui & la question pour la perdre entiérement de vue. Ne croyez pas qu’il s’avise seulement de penser à l’origine de premier animal ; encore moins pensera-t-il à celle de systême entier de l’univers : ou, si vous faites naître cette question, n’attendez pas qu’il se tourmente l’esprit sur un sujet placé si loin de lui, qui l’intéresse si peu, & qui est si fort au-dessus de sa capacité.

De plus, si les hommes se sont d’abord convaincus de l’existence de l’Être suprême