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De La Religion.

branlable : elle nous préserve des accidens désastreux qui inspirent la mélancolie, ou du moins elle nous apprend à les supporter ; tant que dans le calme des passions ce beau jour éclaire notre esprit, le fantôme des fausses divinités n’ose s’y montrer. Mais tant que d’un autre côté, dépourvus d’instruction, nous n’écoutons que la voix naturelle de nos timides coeurs, les terreurs qui nous assiégent nous peindront l’être suprême avec les traits d’un tyran, barbare ; & les méthodes que nous choisissons pour l’appaiser nous accoutumeront à le regarder comme un être capricieux. Dans les religions populaires, la cruauté & le caprice, sous quelque nom qu’on les déguise, forment toujours le caractere dominant de la divinité : souvent les prêtres mêmes, au-lieu de rectifier ces fausses conceptions, les nourrissent & les entretiennent : plus le dieu est terrible, plus nous sommes dociles & soumis à ses ministres : plus les pratiques qu’il faut pour lui plaire sont bizarres, plus nous sommes réduits à renoncer à nos propres lumières,