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De La Religion.

se fustiger comme un misérable, cela se rapporte plus directement au service divin. Voilà donc les seuls motifs qui engagent le superstitieux à ces sortes d’austérités : par ces marques d’une dévotion distinguée, il s’insinue dans la faveur de l’être suprême : désormais il dort en sûreté, il peut se promettre, & du bonheur dans cette vie, & le salut éternel dans la vie à venir.

Voilà d’où vient encore que souvent la piété la plus superstitieuse est compatible avec les dispositions les plus criminelles. Ne jugeons jamais des mœurs d’un homme par la ferveur de son zele, ou par son assiduité aux exercices publics, quand même nous serions assurés qu’il agit de bonne foi : rien n’est plus trompeur que cette conclusion ; les attentats les plus énormes sont, au contraire, très-propres à enfanter la terreur religieuse, & à augmenter la superstition. Bomilcar avoit formé le complot d’assassiner, dans la même heure, tout le sénat de Carthage, & de donner des fers à sa patrie ; par trop d’égard aux présages & aux pronostics, il en perdit l’occasion : sur quoi un historien