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De La Religion.

ce grand & sage empereur perdoit toute contenance[1]. En un mot, on ne sauroit douter que les anciennes superstitions n’aient produit autant de dévots de tout ordre, qu’en produisent les religions modernes : leur influence peut-être n’étoit pas si forte ; mais elle n’étoit pas moins universelle : la foi n’étoit pas si ferme, si précise, si décisive ; mais il y eut tout autant de croyans.

Quelque impérieux & tranchant que soit le langage de la superstition ; on peut observer que les superstitieux affectent plutôt d’être convaincus qu’ils ne le sont en effet : leur conviction n’est pas solide : rarement leur foi approche de cette persuasion, d’après laquelle nous réglons notre conduite dans les affaires de la vie commune. Les hommes n’osent pas s’avouer à eux-mêmes les doutes qu’ils nourrissent dans leur esprit : ils croient mériter par une foi implicite : en prenant le ton affirmatif sur tout, ils se déguisent leur incrédulité réelle à force de bigotterie. Mais

  1. Suetonius, in vitâ Augusti, cap. 90, 91, 92, Plinius, lib. II, cap. 7.