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Philosophiques.

possible que nous crussions le tems d’un philosophe bien employé, quand il s’en sert à

    intéressées & en passions désintéressées, entre lesquelles en suppufoit une opposition & une guerre constante, celles-ci ne pouvant atteindre leur but qu’aux dépens de celles-là. Sous la première classe, on rangeoit l’avarice, l’ambition, le desir de la vengeance ; sous la seconde, les affections naturelles, l’amitié & le patriotisme. Aujourd’hui, les Philosophes peuvent voir combien luer division étoit chimérique (*), Il a été prouvé, à la rigueur, que les passions même qu’on attribuoit communément à l’amour-propre, portent l’ame hors d’elle-même, & la poussent vers leur objet : que, quoiqu’on sente de plaisir en contentant ces passions, ce n’est pas cependant la prévision de ce plaisir qui les fait naître ; qu’au contraire, la passion marche toujours avant l’idée de plaisir, & que sans la première le dernier ne sauroit subsister. De-là il s’ensuit qu’un homme n’est pas plus intéressé lorsqu’il cherche sa propre gloire, que lorsque le bonheur d’un ami fait l’objet de ses vœux ; & qu’il n’est pas plus désintéressé en sacrifiant ses aises & son repos au bien public, qu’en se tourmentant pour assouvir son ambition & son avarice. Voici donc une réforme confidérable dans la doctrine des passions, dont tous les Philosophes avoient jusqu’ici confondu les limites ; soit par négligence, soit faute d’exactitude. Ces deux exemples suffisent pour montrer la nature & l’importance de la philosophie, dont nous parlons. Note de l’Auteur.
    (*) Voyez les Sermons de Butler.