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Les quatre.

-je, étendu pour jamais sur ce lit de roses, y savourer chacun de ces momens délicieux qui m’attendent ; & puisse le tems s’écouler à pas lents & imperceptibles ! Mais quel sort cruel, quelle destinée impitoyable s’opposent à mes vœux ? Le tems s’enfuit, il s’envole ; rien n’égale sa rapidité, mon ardeur pour les plaisirs hâte leur course, au lieu de la rallentir. Hâtons-nous donc de jouir puisqu’il le faut. Ah ! ne m’enviez pas la douceur de cet état, après tant de fatigues que j’ai essuyées à la poursuite du bonheur. Laissez-moi me rassasier de ces délices, après avoir tant souffert, insensé que j’étoit, du jeûne long & rigoureux auquel je m’étoit astreint.

Mais, tandis que je parle, le plaisir est déjà loin de moi. Déjà ces roses si éclatantes ont pâli. Déjà ces fruits si exquis ont perdu leur saveur. Déjà cette liqueur délicieuse, dont les fumées enivroient mes sens d’un si doux poison, sollicite vainement mon palais émousse. La volupté sourit à la vue de ma langueur, & fait signe à sa sœur la vertu