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Essais.

reconnoissez que votre conclusion est défectueuse, en cas que vous ne puissiez pas prouver ce point : & vous ne prétendez pas lui donner une étendue plus grande que celle que les phénomènes de la nature peuvent justifier. Ce sont-là vos aveux ; remarquez à présent, je vous prie, les conséquences que j’en tire.

En concluant d’un effet à sa cause, nous devons les proportionner l’un à l’autre : il ne nous est pas permis d’attribuer à la cause plus de qualités qu’il n’en faut exactement pour produire l’effet. Un corps de dix onces s’élève dans la balance : cela prouve que son contrepoids excede dix onces ; mais cela prouve nullement qu’il excede cent onces. La cause assignée à quelque effet n’est-elle pas suffisante pour le produire ? Il faut, ou la rejetter entièrement, ou lui ajouter des qualités nouvelles, qui puissent rendre complette sa proportion avec l’effet ; mais lui donner des qualités ultérieures, lui attribuer la capacité de produire d’autres effets, c’est se jeter dans la licence des conjectures, c’est supposer ces qualités & ces capacités arbitrairement, sans raison & sans autorité.