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affranchie de toute autre condition à priori. Et que va-t-elle établir ici ? ce que déjà l’on devine : la valeur attachée, non point aux organes de la face comme tels, mais à leurs directions comme signes æsthétiques, c’est-à-dire comme éléments visibles et constants de tout le jeu non convulsif de la physionomie, depuis son minimum en expression enfantine, jusqu’à son maximum en expression calme, expansive ou réfléchie ; car, soit qu’on ne lise encore dans les trois ovales, que le simple état d’inertie entre le rire et le pleurer, ou que l’imaginative, action fécondante du sentiment, s’emparant de cette première impression trop isolée et trop restreinte, la fasse servir d’aliment à des conceptions plus nobles, plus pathétiques ou plus intellectuelles, toujours est-il certain que les éléments fondamentaux n’auront point eu besoin de changer pour cela ; qu’ils restent ce qu’ils sont essentiellement ; et que ces têtes si régulièrement belles de l’antiquité, et ces jeunes faunes riants, et cette Niobé si profondément angoissée, n’en ont point eu d’autres dans une première empreinte du génie sur l’argile, et que tels seront encore les uniques éléments à signaler dans les trois images suivantes, où l’Art nous présente d’une façon si remarquable, et jusque dans les accessoires, le calme de la Sagesse, contrastant avec le sourire de la Volupté et la concentration presque solennelle de l’Égoïsme.

Rien même de plus frappant ni qui me semble mieux établir l’éloquence et la valeur des trois grandes variétés de la face humaine et de leurs signes élémentaires, que ce paradigme des trois déesses rivales. Symboles de la vertu, des plaisirs et des grandeurs, Pallas, Vénus et Junon s’entourent, pour ainsi dire à nos yeux, de toutes les qualités morales et physiques analogues. Près du calme de la première se rangent les idées d’ordre, d’équilibre, de dignité, de stabilité, de durée. Attributs et compagnes de la reine de Cythère sont les passions vives, le mouvement, l’agitation, l’inconstance, le changement. À l’orgueil et à l’égoïsme du pouvoir se rattachent de plus près que l’on ne pense la réflexion, la profondeur de la pensée, l’élévation d'ame, la solennité, le sublime ; et toutes ces idées et ces déductions déjà si nuancées, et que le sentiment nuancera encore à son gré, n’ont, et ne peuvent jamais avoir de manifestation plus sympathiquement intelligible que le jeu de la physionomie, ni de signes plus inconditionnels que les directions motrices des organes. Or quelles sont ces directions ? Si ce n’est constamment l’Horizontale et les deux Obliques dans leur rapport à l’axe de