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Or, comme nous tendions le cou
Vers l’onde pleine de lumière,
Son pied glissa sur un caillou,
Elle tomba dans la rivière.

Mais sa main ne me quitta pas,
Et sur une berge voisine
Je pus l’emporter dans mes bras
Ma pauvre petite cousine !

Pendant que le soleil séchait
Sa robe suspendue aux branches,
Notre mère l’endimanchait
Dans mon habit des grands dimanches.

Mon chapeau semblait à dessein
Pencher sur son oreille fine :
Oh ! le charmant petit cousin
Qu’était ma petite cousine !

Quand il fallut nous séparer,
Les vacances étant finies,
Nous fûmes une heure à pleurer,
Nos mains tout doucement unies.

Puis la fleur des vagues amours
Au fond de mon cœur prit racine ;
Et dans mes livres, tous les jours,
Passait ma petite cousine.

Un matin que j’étais seulet,
J’embrassais dans ma rêverie
Le chapeau qui me rappelait
Les cheveux mouillés de Marie.

On vient, on m’appelle au parloir…
Hélas ! tout est deuil et ruine ;
Le soir, j’avais un crêpe noir
Sur le chapeau de ma cousine.

Depuis j’ai regretté souvent
Les jours heureux de mon enfance,
La rivière où chantait le vent,
L’amour où chantait l’innocence.