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L’ivrogne avait l’habitude du samedi soir. Vous savez ce que c’est ? Le samedi notre homme passait de l’atelier à la buvette, de la besogne à l’ivresse. C’était réglé comme le temps. Le samedi n’arrive pas avec plus de régularité à la fin de la semaine, que la brosse du père Michaud n’arrivait le samedi ; si l’on eût vu le bonhomme sur ses jambes un samedi soir, on aurait pu se demander si la semaine avait perdu son samedi en route. Mais personne ne se trouva jamais en face de ce problème embarrassant.

N’allez pas croire que la mère Michaud — car il y avait une mère Michaud — n’avait pas tenté de corriger son homme.

Elle avait remué ciel et terre.

Elle avait pleuré, gémi, supplié, grondé, crié, tempêté ; tous les saints du calendrier avaient tour à tour, puis tous ensemble, été implorés en des neuvaines de neuvaines ; le bedeau avait vu plus d’une fois sa provision de cierges épuisée…

Et toujours rien, rien de rien, moins que rien. Je me trompe. La mère Michaud avait elle-même été améliorée par toutes ces épreuves et ces prières… et puis elle allait être enfin illuminée d’un trait génial et convertisseur… Mais n’anticipons pas.

… Où donc ai-je laissé le père Michaud ?… Ah ! j’y suis, à sa brosse du samedi.

Quand le bonhomme était com-