Page:Hugolin - Au fond du verre, histoires d'ivrognes, 1908.djvu/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 21 —

doigts désaccoutumés un chapelet emprunté à la femme.

Le mutisme, l’inaction leur pèsent : ça ne peut pas durer indéfiniment ; ils risquent d’abord quelques réflexions, coupées de longs silences, de silences gênés.

« Pauvre Joe, crois-tu qu’il a été vite ! cinq jours au lit, rien que ça…

— Il est bien changé…

— De quoi est-il mort, sais-tu ?…

— Il paraît qu’il a attrapé du froid pour être resté couché dehors, et que ça a tourné en pleurésie. Il n’a pas pu la cracher et il en est mort…

— Pauvre Joe, ça me fait de la peine, je l’aimais bien…

— Moi aussi.

— Passe-moi donc la bouteille…

Tous deux boivent à même le goulot, longuement…

Silence. Puis, timide reprise :

« C’était un bon garçon…

— Et puis on s’amusait bien avec lui : il aimait à rire…

— Avec ça, pas de malice, il n’aurait pas tué une mouche…

— Il aimait bien à prendre un petit coup avec les amis…

— Tiens, passe-moi encore la