Page:Hugolin - Au fond du verre, histoires d'ivrognes, 1908.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Veillée funèbre



Donc, il est mort, Joe leur copain, le troisième du trio d’ivrognes.

S’est-il repenti de s’être tué à boire, d’avoir tant fait souffrir sa pauvre femme et ses enfants ? Toujours est-il que l’âme depuis cinquante ans immergée dans ce tonneau de whisky, en est enfin sortie pour paraître devant son Juge ; et que le cadavre est là, sur deux planches, rigide dans son habit noir : mains jointes, yeux clos, visage creusé, basané, laid…

Pour tentures mortuaires, des draps de lit. Sur une table, un crucifix entre deux cierges, de l’eau bénite avec un rameau pour en asperger le mort — de l’eau bénite et une grande bouteille de whisky…

Du whisky, car la veillée funèbre, cette nuit, est faite par Ripoche et Buvron, deux bons ivrognes, les deux survivants du trio maintenant brisé. Ne faut-il pas de la boisson pour se tenir éveillé ?… pour noyer son chagrin ?

Car ils ont bien du chagrin, Buvron et Ripoche, de voir leur ami sur deux planches, rigide, les mains jointes… (comme plus haut)

Leur chagrin est d’abord silencieux. Compassés sur deux fauteuils de salon, ils regardent le cadavre, tournant entre leurs