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dans un coin du balcon de la place royale, avec un nez en papier gris, ni oreilles ni queue, et plus rien que trois roulettes ? c’est mon pauvre cheval de Bar-le-Duc.

De Vitry à Saint-Dizier, le paysage est médiocre. Ce sont de grosses croupes à blé, tondues, rousses, d’un aspect maussade en cette saison. Plus de laboureurs, plus de moissonneurs, plus de glaneuses marchant pieds nus, tête baissée, avec une maigre gerbe sous le bras. Tout est désert. De temps en temps un chasseur et un chien d’arrêt, immobiles au haut d’une colline, se dessinent en silhouette sur le clair du ciel.

On ne voit pas les villages ; ils sont blottis entre les collines, dans de petites vallées vertes au fond desquelles coule presque toujours un petit ruisseau. Par instants on aperçoit le bout d’un clocher.

Une fois, ce bout de clocher m’a présenté un aspect singulier. La colline était verte ; c’était du gazon. Au-dessus de cette colline, on ne voyait absolument rien que le chapeau d’étain d’une tour d’église, lequel semblait posé exactement sur le haut du coteau. Ce chapeau était de forme flamande. (En Flandre, dans les églises de village, le clocher a la forme de la cloche.) vous voyez cela d’ici, un immense tapis vert sur lequel on eût dit que Gargantua avait oublié sa sonnette.

Après Saint-Dizier la route est agréable. Une fraîche chevelure d’arbres se répand de tous les côtés, les vallons se creusent, les collines s’efflanquent et prennent par moments un faux air de montagnes. Ce qui aide à l’illusion, c’est que parfois, et malgré le joli aspect, la terre est maigre, le haut des collines est malade et pelé. On sent que la terre n’a pas la force de pousser sa sève jusque-là. Cela ne grandit les collines qu’en apparence ; mais enfin cela les grandit.

Une jolie ville, c’est Ligny. Trois ou quatre collines en se rencontrant ont fait une vallée en étoile. Les maisons de Ligny sont toutes entassées au fond de cette vallée, comme si elles avaient glissé du haut des collines. Cela fait une petite ville ravissante à voir ; et puis il y a une jolie rivière et deux belles tours en ruine. Ces collines sont charmantes, elles ont l’obligeance de forcer la malle-poste