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Souvent aussi qui proclame déclame.

La France propose beaucoup de problèmes à la méditation des penseurs. Mais ce qui fait méditer les penseurs fait aussi songer les insensés.

Parmi ces problèmes, il y en a quelques-uns que les esprits puissants et vrais résolvent par le bon sens ; il y en a d’autres que les esprits faux résolvent par le sophisme ; il y en a d’autres que les esprits farouches résolvent par l’émeute, le guet-apens ou l’assassinat.

Et puis, ― et ceci d’ailleurs est l’inconvénient des théories, ― on commence par nier le privilège, et l’on a raison tout à fait ; puis on nie l’hérédité, et l’on n’a plus raison qu’à demi ; puis on nie la propriété, et l’on n’a plus raison du tout ; puis on nie la famille, et l’on a complètement tort ; puis on nie le cœur humain, et l’on est monstrueux. Même, en niant le privilège, on a eu tort de ne point distinguer tout d’abord entre le privilège institué dans l’intérêt de l’individu, celui-là est mauvais, et le privilège institué dans l’intérêt de la société, celui-ci est bon. L’esprit de l’homme, mené par cette chose aveugle qu’on appelle la logique, va volontiers du général à l’absolu, et de l’absolu à l’abstrait. Or, en politique, l’abstrait devient aisément féroce. D’abstraction en abstraction on devient Néron ou Marat. Dans le demi-siècle qui vient de s’écouler, la France, car nous ne voulons rien atténuer, a suivi cette pente ; mais elle a fini par remonter vers le vrai. En 89 elle a rêvé un paradis, en 93 elle a réalisé un enfer ; en 1800 elle a fondé une dictature, en 1815 une restauration, en 1830 un état libre. Elle a composé cet état libre d’élection et d’hérédité. Elle a dévoré toutes les folies avant d’arriver à la sagesse ; elle a subi toutes les révolutions avant d’arriver à la liberté. Or, à sa sagesse d’aujourd’hui on reproche ses folies d’hier ; à sa liberté on reproche ses révolutions.

Qu’on nous permette ici une digression, qui d’ailleurs va indirectement à notre but. Tout ce qu’on reproche à la France, tout ce que la France a fait, l’Angleterre l’avait fait avant elle. Seulement, ― est-ce pour ce motif qu’on ne reproche rien à celle-là ? ― les principes qui ont surgi de