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Le roi des Espagnes et des Indes, espèce de sultan catholique, était plus riche à lui seul que tous les princes de la chrétienté ensemble. À ne compter que son revenu ordinaire, il tirait chaque année d’Italie et de Sicile quatre millions d’or, deux millions d’or du Portugal, quatorze millions d’or de l’Espagne, trente millions d’or de l’Amérique. Les dix-sept provinces de l’état des Pays-Bas, qui comprenait alors l’Artois, le Cambrésis et les Ardennes, payaient annuellement au roi catholique un ordinaire de trois millions d’or. Milan était une riche proie, convoitée de toutes parts, et par conséquent malaisée à garder. Il fallait surveiller Venise, voisine jalouse ; couvrir de troupes la frontière de Savoie pour arrêter le duc, se ruant à l’impourvu, comme disait Sully ; bien armer le fort de Fuentes, pour tenir en respect les suisses et les grisons ; entretenir et réparer les bonnes citadelles du pays, surtout Novare, Pavie, Crémone, qui a, comme écrivait Montluc, une tour forte tout ce qui se peut, qu’on met entre les merveilles de l’Europe. Comme la ville était remuante, il fallait y nourrir une garnison espagnole de six cents hommes d’armes, de mille chevau-légers et de trois mille fantassins, et bien tenir en état le château de Milan, auquel on travaillait sans cesse. Milan, on le voit, coûtait fort cher ; pourtant, tous frais faits, le milanais rapportait tous les ans à l’Espagne huit cent mille ducats. Les plus petites fractions de cette énorme monarchie donnaient leur denier ; les îles Baléares versaient par an cinquante mille écus. Tout ceci, nous le répétons, n’était que le revenu ordinaire. L’extraordinaire était incalculable. Le seul produit de la Cruzade valait le revenu d’un royaume ; rien qu’avec les subsides de l’église le roi entretenait continuellement cent bonnes galères. Ajoutez à cela la vente des commanderies, les caducités des états et des biens, les alcavales, les tiers, les confiscations, les dons gratuits des peuples et des feudataires. Tous les trois ans le royaume de Naples donnait douze cent mille écus d’or, et, en 1615, la Castille offrait au roi, qui daignait accepter, quatre millions d’or payables en quatre ans.

Cette richesse se résolvait en puissance. Ce que le sultan était par la cavalerie, le roi d’Espagne l’était par l’infanterie.