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chaque année deux mille deux cent quarante écus. Au centre même de l’Italie, dans un état de forme bizarre qui coupait la presqu’île en deux comme une écharpe, résidait le pape, dont nous esquisserons peut-être plus loin en détail la puissance comme prince temporel. Le pape tenait dans sa main droite les clefs du paradis, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir sous sa main gauche la clef de l’Italie inférieure, Gaëte. Indépendamment de l’état de l’église, il était souverain et seigneur direct des royaumes de Naples et de Sicile, des duchés d’Urbin et de Parme, et, jusqu’à Henri VIII, il avait reçu l’hommage des rois bretons pour l’Angleterre et l’Irlande. Il était d’autant plus maître en Italie, que Naples et Milan étaient à un roi absent. Sa grandeur morale était immense. Respecté de près, vénéré de loin, conférant sans s’amoindrir des dignités égales aux royautés, couronnant ses cardinaux de cet hexamètre hautain : Principibus praestant et regibus aequiparantur, pouvant donner sans perte, récompenser sans dépense et châtier sans guerre, il gouvernait toutes les princesses de la chrétienté avec la rose d’or, qui lui revenait à deux cent trente écus, et tous les princes avec l’épée d’or, qui lui revenait à deux cent quarante ; et, pour faire humblement agenouiller les empereurs d’Allemagne, lesquels pouvaient mettre sur pied deux cent mille hommes, ce qui représente aujourd’hui un million de soldats, il suffisait qu’il leur montrât les bonnets et les panaches de sa garde suisse, qui lui coûtait deux cents écus par an.

Au nord de l’Europe végétaient dans la pénombre polaire deux monarchies, trop lointaines, en apparence, pour agiter le centre. Pourtant, au seizième siècle, à la demande de Henri II, Christiern II, roi de Danemark, avait pu envoyer en écosse dix mille soldats sur cent navires. La Suède avait trente-deux enseignes de sept cents hommes de pied chacune, treize compagnies ordinaires de cavalerie, cinquante voiles en temps de paix, soixante-dix en temps de guerre, et versait par an sept tonnes d’or, environ cent mille thalers, au trésor royal. La Suède parut peu brillante jusqu’au jour où Charles XII résuma toute sa lumière en un éclair éblouissant.

A cette époque, la France militaire parlait haut en Europe ;