Page:Hugo Rhin Hetzel tome 2.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée


Peu à peu le brouillard s’était levé. Soudain l’air devint tiède, les arbres changèrent de forme, des chênes-liéges, des pistachiers et des pins d’Alep apparurent dans les rochers ; une large lune blanche entourée d’un immense halo éclairait lugubrement les bruyères. Pourtant ce n’était pas jour de lune.

En courant au fond d’un chemin creux, Pécopin se pencha et arracha à la berge une poignée d’herbes. A la lueur de la lune il examina ces plantes et reconnut avec angoisse l’anthylle vulnéraire des Cévennes, la véronique filiforme et la férule commune dont les feuilles hideuses se terminent par des griffes. Une demi-heure après le vent était encore plus chaud, je ne sais quels mirages de la mer remplissaient à de certains moments les intervalles des futaies, il se courba encore une fois sur la berge du chemin et arracha de nouveau les premières plantes que sa main rencontra. Cette fois c’était le cytise argenté de Cette, L’anémone étoilée de Nice, la lavatère maritime de Toulon, le géranium sanguineum des Basses-Pyrénées si reconnaissable à sa feuille cinq fois palmée, et l’astrantia major dont la fleur est un soleil qui rayonne à travers un anneau comme la planète Saturne. Pécopin vit qu’il s’éloignait du Rhin avec une effroyable rapidité ; il avait fait plus de cent lieues entre les deux poignées d’herbes. Il avait traversé les Vosges, il avait traversé les Cévennes, il traversait en ce moment les Pyrénées. — Plutôt la mort, pensa-t-il, et il voulut se jeter en bas de son cheval. Au mouvement qu’il fit pour se désarçonner, il se sentit étreindre les pieds comme par deux mains de fer. Il regarda. Ses étriers l’avaient saisi et le tenaient. C’étaient des étriers vivants.

Les cris lointains, les hennissements et les aboiements faisaient rage ; le cor du vieux chasseur, précédant la chasse à une distance effrayante, sonnait des mélodies sinistres ; et à travers de grands branchages bleuâtres que le vent secouait, Pécopin voyait les chiens traverser à la nage des étangs pleins de reflets magiques.

Le pauvre chevalier se résigna, ferma les yeux et se laissa emporter.

Une fois il les rouvrit ; la chaleur de fournaise d’une