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ces herbes magiques, cette moule, ce grand-duc, tout cela était peu rassurant. Il était donc fort alarmé et se demandait avec angoisse où il était, lorsqu’un chant éloigné parvint jusqu’à lui. Il prêta l’oreille. C’était une voix enrouée, cassée, chagrine, fâcheuse, sourde et criarde à la fois, et voici ce qu’elle chantait :

 
Mon petit lac engendre, en l’ombre qui l’abrite,
La riante Amphitrite et le noir Neptunus ;
Mon humble étang nourrit, sur des monts inconnus,
L’empereur Neptunus et la reine Amphitrite.

Je suis le nain, grand-père des géants.
Ma goutte d’eau produit deux océans.

Je verse de mes rocs, que n’effleure aucune ailé,
Un fleuve bleu pour elle, un fleuve vert pour lui.
J’épanche de ma grotte, où jamais feu n’a lui,
Le fleuve vert pour lui, le fleuve bleu pour elle.

Je suis le nain, grand-père des géants.
Ma goutte d’eau produit deux océans.

Une fine émeraude est dans mon sable jaune.
Un pur saphir se cache en mon humide écrin.
Mon émeraude fond et devient le beau Rhin ;
Mon saphir se dissout, ruisselle et fait le Rhône.

Je suis le nain, grand-père des géants.
Ma goutte d’eau produit deux océans.


Pécopin n’en pouvait plus douter. Pauvre voyageur fatigué, il était dans le fatal bois des pas-perdus. Ce bois est une grande forêt pleine de labyrinthes, d’énigmes et de dédales où se promène le nain Roulon. Le nain Roulon habite un lac dans les Vosges, au sommet d’une montagne, et parce que de là il envoie un ruisseau au Rhône et un autre ruisseau au Rhin, ce nain fanfaron se dit le père de la Méditerranée et de l’Océan. Son plaisir est d’errer dans la forêt et d’y égarer les passants. Le voyageur qui est entré dans le bois des pas-perdus n’en sort jamais.