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il faut maintenant que j’attende le saint qui viendra du paradis ou le chrétien qui tombera du ciel. Voilà une stupide histoire, et il faut convenir qu’on s’amuse de peu de chose là-haut ! — Pendant qu’il se parlait ainsi à lui-même, les habitants de Coma et de Clisma croyaient entendre le tonnerre gronder sourdement à l’horizon. C’était le diable qui bougonnait.

Pour un charretier embourbé, jurer est quelque chose, mais sortir de l’ornière c’est encore mieux. Le pauvre diable se creusait la tête et rêvait. C’est un drôle fort adroit que celui qui a perdu Eve. Il entre partout. Quand il veut, de même qu’il se glisse dans l’amour, il se glisse dans le paradis. Il a conservé des relations avec saint Cyprien-le-magicien, et il sait dans l’occasion se faire bien venir des autres saints, tantôt en leur rendant de petits services mystérieux, tantôt en leur disant des paroles agréables. Il sait, ce grand savant, la conversation qui plaît à chacun. Il les prend tous par leur faible. Il apporte à saint Robert d’York des petits pains d’avoine au beurre. Il cause orfèvrerie avec saint Éloy et cuisine avec saint Théodote. Il parle au saint évêque Germain du roi Childebert, au saint abbé Wandrille du roi Dagobert et au saint eunuque Usthazade du roi Sapor. Il parle à saint Paul-le-Simple de saint Antoine et il parle à saint Antoine de son cochon. Il parle à saint Loup de sa femme Piméniole et il ne parle pas à saint Gomer de sa femme Gwinmarie. — Car le diable est le grand flatteur. Cœur de fiel, bouche de miel.

Cependant quatre saints, qui sont connus pour leur étroite amitié, saint Nil-le-Solitaire, saint Autremoine, saint Jean-le-Nain et saint Médard, étaient précisément allés ce jour-là se promener sur les bords de la mer Rouge. Comme ils arrivaient, tout en conversant, près du bois de palmiers, le diable les vit venir vers lui avant d’être aperçu par eux. Il prit incontinent la forme d’un vieillard très pauvre et très cassé et se mit à pousser des cris lamentables. Les saints s’approchèrent. Qu’est-ce ? dit saint Nil. — Hélas ! hélas ! mes bons seigneurs, s’écria le diable, venez à mon aide, je vous en supplie. J’ai un très méchant