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par un enseignement, un conseil et une leçon ; et il n’oserait pas inventer des événements sans conclusion immédiate. Dieu, qui fait l’histoire, montre ce qu’il veut et sait le reste.

Maüsethurm est un mot commode. On y voit ce qu’on désire y voir. Il y a des esprits qui se croient positifs et qui ne sont qu’arides ; qui chassent la poésie de tout, et qui sont toujours prêts à lui dire, comme cet autre homme positif au rossignol : Veux-tu te taire, vilaine bête ! Ces esprits-là affirment que Maüsethurm vient de maus ou mauth, qui signifie péage. Ils déclarent qu’au dixième siècle, avant que le lit du fleuve fût élargi, le passage du Rhin n’était ouvert que du côté gauche, et que la ville de Bingen avait établi, au moyen de cette tour, son droit de barrière sur les bateaux. Ils s’appuient sur ce qu’il y a encore près de Strasbourg deux tours pareilles consacrées à une perception d’impôt sur les passants, lesquelles s’appellent également Maüsethurme. Pour ces graves penseurs inaccessibles aux fables, la tour maudite est un octroi et Hatto est un douanier.

Pour les bonnes femmes, parmi lesquelles je me range avec empressement, Maüsethurm vient de mause, qui vient de mus et qui veut dire rat Ce prétendu péage est la Tour des Souris et ce douanier est un spectre.

Après tout, les deux opinions peuvent se concilier. Il n’est pas absolument impossible, que, vers le seizième ou le dix-septième siècle, après Luther, après Érasme, des bourguemestres esprits-forts aient utilisé la tour de Hatto et momentanément installé quelque taxe et quelque péage dans cette ruine mal hantée. Pourquoi pas ? Rome a bien fait du temple d’Antonin sa douane, la dogana. Ce que Rome a fait à l’histoire, Bingen a bien pu le faire à la légende.

De cette façon Mauth aurait raison et Maüse n’aurait pas tort.

Quoi qu’il en soit, depuis qu’une vieille servante m’avait conté le conte de Hatto, la Maüsethurm avait toujours été une des visions familières de mon esprit. Vous le savez, il n’y a pas d’homme qui n’ait ses fantômes, comme il n’y a pas d’homme qui n’ait ses chimères. La nuit nous appartenons aux songes ; tantôt c’est un rayon qui les traverse,