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Regardons, étudions, méditons et ne nous plaignons pas. Dieu sait ce qu’il fait.

Seulement je me demande quelquefois : Pourquoi faut-il que « le goujat » ne se contente pas d’être debout, et qu’il ait toujours l’air de chercher à se venger de l’empereur enterré ?

Mais, mon ami, me voici bien loin du Falkenburg. J’y reviens. C’était beaucoup pour moi de me savoir dans ce nid de légendes, et de pouvoir dire des choses précises à ces vieilles tours qui se tiennent encore si fières et si droites quoique mortes et laissant aller leurs entrailles dans l’herbe. J’étais donc dans ce manoir fameux dont je vous conterai peut-être les aventures, si vous ne les savez pas. Guntram et Liba surtout me revenaient à l’esprit. C’est sur ce pont que Guntram rencontra les deux hommes qui portaient un cercueil. C’est dans cet escalier que Liba se jeta dans ses bras et lui dit en riant : Un cercueil ? non, c’est le lit nuptial que tu auras vu. C’est près de cette cheminée, encore scellée au mur sans plancher et sans plafond, qu’était le bois de lit qu’on venait d’apporter et qu’elle lui montra. C’est dans cette cour, aujourd’hui pleine de ciguës en fleur, que Guntram, conduisant sa fiancée à l’autel, vit marcher devant lui, visibles pour lui seul, un chevalier vêtu de noir et une femme voilée. C’est dans cette chapelle romane écroulée, où des lézards vivants se promènent sur les lézards sculptés, qu’au moment de passer l’anneau béni au joli doigt rose de sa fiancée, il sentit tout à coup une main froide dans la sienne, — la main de la pucelle du château de la forêt qui se peignait la nuit en chantant près d’un tombeau ouvert et vide. — C’est dans cette salle basse qu’il expira et que Liba mourut de le voir mourir.

Les ruines font vivre les contes, et les contes le leur rendent.

J’ai passé plusieurs heures dans les décombres, assis sous d’impénétrables broussailles et laissant venir les idées qui me venaient. Spiritus loci. Ma prochaine lettre vous les portera peut-être.

Cependant la faim aussi m’était venue, et vers trois heures, grâce au chevrier français dont les belles voyageuses