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légèrement et dans le meilleur français du monde : — Monsieur, il paraît que ce château s’appelle Falkenburg. C’est du moins ce qu’a dit un chevrier qui est français et qui cause avec notre père dans la grande tour. Si vous voulez aller de ce côté, vous les trouverez.

Ces anglaises étaient des françaises.

Ces paroles si nettes et dites sans le moindre accent suffisaient pour me le démontrer ; mais la belle enfant prit la peine d’ajouter : — Nous n’avons pas besoin de parler anglais, monsieur, nous sommes françaises et vous êtes français.

— Mais, mademoiselle, repris-je, à quoi avez-vous vu que j’étais français ?

— À votre anglais, dit la plus jeune.

Sa sœur aînée la regarda d’un air presque sévère, si jamais la beauté, la grâce, l’adolescence, l’innocence et la joie peuvent avoir l’air sévère. Moi, je me mis à rire.

— Mais, mesdemoiselles, vous-mêmes vous parliez anglais tout à l’heure ?

— Pour nous amuser, dit la plus jeune.

— Pour nous exercer, reprit l’aînée.

Cette rectification imposante et quasi maternelle fut perdue pour la jeune qui courut gaiement au tombeau en soulevant sa robe à cause des pierres et en laissant voir le plus joli petit pied du monde. — Oh ! s’écria-t-elle, venez donc voir ! une statue par terre ! tiens ! elle n’a pas de tête. C’est un homme.

— C’est un chevalier, dit l’aînée qui s’était approchée. Il y avait encore dans cette parole une ombre de reproche, et le son de voix dont elle fut prononcée signifiait : Ma sœur, une jeune personne ne doit pas dire : C’est un homme, mais elle peut dire : C’est un chevalier.

En général, ceci est un peu l’histoire des femmes. Elles en sont toutes là. Elles repoussent les choses, mais habillez les choses de mots, elles les acceptent. Choisissez bien le mot pourtant. Elles s’indignent du mot cru, elles s’effarouchent du mot propre, elles tolèrent le mot détourné, elles accueillent le mot élégant, elles sourient à la périphrase. Elles ne savent que plus tard, — trop tard souvent, — combien il y a de réalité dans l’à peu près. La plupart des