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la tombe et la mémoire de l’homme décapité est propre à toutes les époques et à tous les peuples. À Venise, dans la galerie ducale du grand-conseil, un cadre noir remplace le portrait du cinquante-septième doge, et au-dessous la morne république a écrit ce memento sinistre :


locvs marini falieri decapitati.


En Égypte, quand le voyageur fatigué arrive à Biban-el-Molouk, il trouve dans les sables, parmi les palais et les temples écroulés, un sépulcre mystérieux qui est le sépulcre de Rhamsès V, et sur ce sépulcre il voit cette légende :



Et cet hiéroglyphe, qui raconte l’histoire au désert, signifie : qui est sans tête.

Mais en Égypte comme à Venise, au palais ducal comme à Biban-el-Molouk, on sait où l’on est, on sait qu’on a affaire à Marino Faliero ou à Rhamsès V. Ici j’ignorais tout, et le nom du lieu et le nom de l’homme. Ma curiosité était éveillée au plus haut point. Je déclare que cette ruine si parfaitement muette m’intriguait et me fâchait presque. Je ne reconnais pas à une ruine, pas même à un tombeau, le droit de se taire à ce point.

J’allais sortir de la chambre basse, charmé d’avoir trouvé ce curieux monument, mais désappointé de n’en pas savoir davantage, quand un bruit de voix sonores, claires et gaies arriva jusqu’à moi. C’était un vif et rapide dialogue, où je ne distinguais au milieu des rires et des cris joyeux que ces quelques mots : Fall of the mountainSubterranean passageVery ogly foot-path. Un moment après, comme je me levais du tombeau où j’étais assis, trois sveltes jeunes filles, vêtues de blanc, trois têtes blondes et roses au frais sourire et aux yeux bleus, entrèrent subitement sous la voûte, et, en m’apercevant, s’arrêtèrent tout court