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se précipitent et se brisent dans le ravin. Des arbres malades et malsains y ombragent de petites prairies tapissées d’un gazon dru comme celui d’un cimetière. J’ignore si c’était une illusion ou le jeu de l’ombre et du vent, mais je croyais voir par places sur les hautes herbes de grands cercles mollement tracés, comme si de mystérieuses rondes nocturnes les avaient affaissées çà et là. Ce ravin n’est pas seulement solitaire, il est lugubre. On dirait qu’il assiste en de certains moments à des spectacles hideux, qu’il voit se faire dans les ténèbres des choses mauvaises et surnaturelles, et qu’il en garde, même en plein jour, même en plein soleil, je ne sais quelle tristesse mêlée d’horreur. Dans cette vallée plus qu’en tout autre lieu on sent distinctement que les sombres et froides heures de la nuit passent là ; il semble qu’elles y déposent, sur la senteur des herbes, sur la couleur de la terre et sur la forme des rochers, ce qu’elles ont de vague, de sinistre et de désolé.

Comme j’allais sortir de la chambre basse, la corne d’une pierre tumulaire sortant de dessous les gravois a frappé mes yeux. Je me suis baissé vivement. Jugez de mon empressement ; j’allais peut-être trouver là l’explication que je cherchais, la réponse que je demandais à cette mystérieuse ruine, le nom du château. Des pieds et des mains j’ai écarté les décombres, et en peu d’instants j’avais mis à nu une fort belle lame sépulcrale du quatorzième siècle, en grès rouge de Heilbron. Sur cette lame gisait, sculpté presque en ronde-bosse, un chevalier armé de toutes pièces, mais auquel manquait la tête. Sous les pieds de cet homme de pierre était gavé en majuscules romaines ce distique fruste, encore lisible pourtant et facile à déchiffrer :


VO X TACVIT. PERIIT LV X. NO X RVIT ET RVIT VMBRA.
VIR CARET IN TVMBA QVO CARET EFFIGIES.


J’étais un peu moins avancé qu’auparavant. Ce château était une énigme, j’en avais cherché le mot, et je venais de le trouver. Le mot de cette énigme, c’était une inscrip-