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après, sous Louis XIII, étaient, le premier, duc de Chaulnes ; le deuxième, connétable de France ; le troisième, duc de Luxembourg. — Rêvez donc, jeunes gens, et marchez !

Ce voyage à trois paraît du reste être à la mode sur les bords du Rhin ; car je n’avais pas fait une demi-lieue, j’atteignais à peine Niederheimbach que je rencontrais encore trois jeunes gens cheminant de compagnie. Ceux-là étaient évidemment des étudiants de quelqu’une de ces nobles universités qui fécondent la vieille Teutonie en civilisant la jeune Allemagne. Ils portaient la casquette classique, les longs cheveux, le ceinturon, la redingote serrée, le bâton à la main, la pipe de faïence coloriée à la bouche, et, comme les peintres, le bissac sur le dos. Sur la pipe du plus jeune des trois étaient peintes des armoiries, probablement les siennes. Ils paraissaient discuter avec chaleur et s’en allaient, de même que les peintres, du côté de Bacharach. En passant près de moi, l’un d’eux me cria, en me saluant de la casquette :

Dic nobis, domine, in qua parte corporis animam veteres locant philosophi ?

Je rendis le salut et je répondis :

In corde Plato, in sanguine Empedocles, inter duo supercilia Lucretius.

Les trois jeunes gens sourirent et le plus âgé s’écria :

Vivat Gallia regina !

Je répliquai :

Vivat Germania mater !

— Nous nous saluâmes encore une fois de la main, et je passai outre.

J’approuve cette façon de voyager à trois. Deux amants, trois amis.

Au-dessus de Niederheimbach s’étagent et se superposent les mamelons de la sombre forêt de Sann ou de Sonn, et là, parmi les chênes, se dressent deux forteresses écroulées, Heimburg, château des romains, Sonneck, château des brigands. L’empereur Rodolphe a détruit Sonneck en 1282 ; le temps a démoli Heimburg. Une ruine plus mélancolique encore se cache dans les plis de ces montagnes, c’est Falkenburg.

J’avais, comme je vous l’ai dit, laissé le village derrière