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pas dire que j’aie vu l’église, tant j’étais absorbé par la pensée qui pour moi la remplissait. Non, je n’ai pas vu l’édifice, j’ai vu cette pensée. Laissez-moi vous la dire. Je ne sais plus rien du reste ; tout a passé devant mes yeux comme une ombre. Cherchez, si vous le voulez, dans les itinéraires et les monographies, la description de la cathédrale de Spire, vous ne l’aurez pas de moi. Quelque chose de plus haut et de plus magnifique encore m’a saisi au milieu de la contemplation de cette sombre architecture. Jusqu’ici j’ai eu bien souvent déjà et j’aurai bien souvent encore l’occasion de vous montrer des églises ; cette fois laissez-moi vous montrer Dieu.

De 1024 à 1308, trois siècles durant, la pensée de Conrad II s’est exécutée. Sur dix-huit empereurs qui ont régné dans cet intervalle, neuf ont été enterrés dans la crypte qui est sous la cathédrale de Spire. Quant aux neuf autres, Lothaire II, Frédéric Barberousse, Henri VI, Othon IV, Frédéric II, Conrad IV, Guillaume, Richard De Cornouailles et Alphonse De Castille, la destinée ne leur a pas accordé cette auguste sépulture. Le vent qui souffle sur les hommes à l’heure de leur mort les a portés ailleurs.

De ceux-là, deux seulement, qui n’étaient pas allemands, ont eu leur tombeau dans leur pays natal ; Richard de Cornouailles en Angleterre, Alphonse de Castille en Espagne. Les autres ont été jetés aux quatre points cardinaux ; Lothaire II au monastère de Kœnigslutter, Othon IV à Brunswick, Guillaume à Middelbourg, Henri VI et Frédéric II à Palerme, Conrad IV à Poggi, Barberousse au Cydnus.

Barberousse en particulier, ce grand Barberousse, où est-il ? dans le Cydnus, dit l’histoire ; à Antioche, dit la chronique ; dans la caverne de Kiffhœüser, dit la légende de Wurtemberg ; dans la grotte de Kaiserslautern, dit la légende du Rhin.

Les neuf césars couchés sous les dalles de l’abside de Spire étaient presque tous de glorieux empereurs. C’était le fondateur de la cathédrale, le contemporain de Canut-le-Grand, Conrad II, celui qui divisa la vieille Teutonie en six classes, dites boucliers militaires, Clypei Militares, hiérarchie que bouleversa la bulle d’or, mais que la Pologne adopta et refléta ; si bien que, même dans ces