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Et vous ne songez même pas, au milieu de ce formidable et vivant Paris, qui était la grande ville et qui devient la ville géante, qu’ailleurs il y a des cités qui décroissent et qui meurent.

Worms est une de ces villes.

Hélas ! Rome est la première de toutes ; Rome qui vous ressemble, Rome qui vous a précédés, Rome qui a été le Paris du monde païen.

Une ville qui meurt ! Chose triste et solennelle ! Les rues se défont. Où il y avait une rangée de maisons il n’y a plus qu’une muraille ; où il y avait une muraille il n’y a plus rien. L’herbe remplace le pavé. La vie se retire vers le centre, vers le cœur, comme dans l’homme agonisant. Ce sont les extrémités qui meurent les premières, les membres chez l’homme, les faubourgs dans les villes. Les endroits déserts perdent les maisons, les endroits habités perdent les étages. Les églises s’effondrent, se déforment et s’en vont en poussière, non faute de croyances, comme dans nos fourmilières industrielles, mais faute de croyants. Des quartiers tout entiers tombent en désuétude. Il est presque étrange d’y passer ; des espèces de peuplades sauvages s’y installent. Ici ce n’est plus la ville qui se répand dans la campagne, c’est la campagne qui rentre dans la ville. On défriche la rue, on cultive le carrefour, on laboure le seuil des maisons ; l’ornière profonde des chariots à fumier creuse et bouleverse les anciens dallages ; les pluies font des mares devant les portes ; le caquetage discordant des basses-cours remplace les rumeurs de la foule. D’une place réservée aux cérémonies impériales on fait un carré de laitues. L’église devient une grange, le palais devient une ferme, la tour devient un pigeonnier, la maison devient une baraque, la boutique devient une échoppe, le bassin devient un étang, le citadin devient un paysan ; la cité est morte. Partout la solitude, l’ennui, la poussière, la ruine, l’oubli. Partout, sur les places désertes, sur les passants enveloppés et mornes, sur les visages tristes, sur les pans de murs écroulés, sur les maisons basses, muettes et rares, l’œil de la pensée croit voir se projeter les longues et mélancoliques ombres d’un soleil couchant.

Malgré tout cela, à cause de tout cela peut-être, Worms,