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paysage de rêverie. Muets témoins des temps évanouis, ils ont assisté aux actions, ils ont encadré les scènes, ils ont écouté les paroles. Ils sont là comme les coulisses éternelles du sombre drame qui, depuis dix siècles, se joue sur le Rhin. Ils ont vu, les plus vieux du moins, entrer et sortir, au milieu des péripéties providentielles, tous ces acteurs si hauts, si étranges ou si redoutables : Pépin, qui donnait des villes au pape ; Charlemagne, vêtu d’une chemise de laine et d’une veste de loutre, s’appuyant sur le vieux diacre Pierre De Pise, et caressant de sa forte main l’éléphant Abulabaz ; Othon le lion secouant sa crinière blonde ; le margrave d’Italie, Azzo, portant la bannière ornée d’anges, victorieuse à la bataille de Mersebourg ; Henri le boiteux ; Conrad le vieux et Conrad le jeune ; Henri le noir, qui imposa à Rome quatre papes allemands ; Rodolphe De Saxe, portant sur sa couronne l’hexamètre papal : Petra dedit Petro, Petrus diadema Rodolpho ; Godefroi de Bouillon, qui enfonçait la pique du drapeau impérial dans le ventre des ennemis de l’empire ; Henri V, qui escaladait à cheval les degrés de marbre de Saint-Pierre de Rome. Pas une grande figure de l’histoire d’Allemagne dont le profil ne se soit dessiné sur leurs vénérables pierres : le vieux duc Welf ; Albert- l’Ours ; saint Bernard ; Barberousse, qui se trompait de main en tenant l’étrier du pape ; l’archevêque de Cologne, Raynald, qui arrachait les franges du carrocium de Milan ; Richard Cœur De Lion ; Guillaume de Hollande ; Frédéric II, le doux empereur au visage grec, ami des poëtes comme Auguste, ami des califes comme Charlemagne, étudiant dans sa tente-horloge, où un soleil d’or et une lune d’argent marquaient les saisons et les heures. Ils ont contemplé, à leur rapide apparition, le moine Christian prêchant l’évangile aux païens de Prusse ; Hermann Salza, premier grand maître de l’ordre teutonique, grand bâtisseur de villes ; Ottocar, roi de Bohême ; Frédéric De Bade et Conradin De Souabe, décapités à seize ans ; Louis V, landgrave de Thuringe et mari de sainte Elisabeth ; Frédéric le mordu, qui portait sur sa joue la marque du désespoir de sa mère ; et Rodolphe De Habsbourg, qui raccommodait lui-même son pourpoint gris. Ils ont retenti de la devise d’Eberhard, comte de Wurtemberg : Gloire à