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Il est évident qu’en faisant le Rhin la nature avait prémédité un désert ; l’homme en a fait une rue.

Du temps des romains et des barbares, c’était la rue des soldats. Au moyen âge, comme le fleuve presque entier était bordé d’états ecclésiastiques et tenu en quelque sorte, de sa source à son embouchure, par l’abbé de Saint-Gall, le prince-évêque de Constance, le prince-évêque de Bâle, le prince-évêque de Strasbourg, le prince-évêque de Spire, le prince-évêque de Worms, l’archevêque-électeur de Mayence, l’archevêque-électeur de Trêves et l’archévêque-électeur de Cologne, on nommait le Rhin la rue des prêtres. Aujourd’hui c’est la rue des marchands.

Le voyageur qui remonte le fleuve le voit, pour ainsi dire, venir à soi, et, de cette façon, le spectacle est plus beau. À chaque instant on rencontre une chose qui passe : tantôt un étroit bateau-flèche effrayant avoir cheminer tant il est chargé de paysans, surtout si c’est le dimanche, jour où ces braves riverains catholiques possédés par des huguenots vont quelquefois chercher leur messe bien loin. ; tantôt un bateau à vapeur pavoisé ; tantôt une longue embarcation à deux voiles latines descendant.le Rhin avec sa cargaison qui fait bosse sous le grand mât, son pilote attentif et sérieux, ses matelots affairés, quelque femme, assise sur la porte de la cabine, et au milieu des ballots le coffre des marins colorié à rosaces rouges, vertes et bleues. Ou bien ce sont de longs attelages attachés à de lourds navires qui remontent lentement ; pu un petit cheval courageux remorquant à lui seul une. grosse barque pontée comme une fourmi qui traîne un scarabée mort. Tout à coup, le fleuve se replie, et, au tournant qui se présente, un grand radeau de Namedy débouche majestueusement. Trois cents matelots manœuvrent la monstrueuse machine, les immenses avirons battent l’eau en cadence a l’arrière et à l’avant, un bœuf tout entier ouvert et saignant pend accroché aux bigues, un autre bœuf vivant tourné autour du poteau où il est lié et mugit en voyant les génisses paître sur la rive, le patron monté et descend l’escalier double de son estrade, le drapeau tricolore horizontal flotte déployé au vent, le coque attise le feu sous la grande chaudière, la fumée sort de trois ou quatre cabanes où vont