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avec la Madeleine ; , une rude et sauvage boiserie menuisée vers 1400 ; boiseries et fresques données par le chevalier d’Ingelheim, qui s’est fait peindre à genoux dans un coin et qui portait d’or aux chevrons de gueules. Sur les murailles une collection complète de ces morions fantasques et de ces cimiers effrayants propres à la chevalerie germanique, accrochés à des clous comme les poêlons et les écumoires d’une batterie de cuisine. Près de la porte une de ces énormes horloges qui sont une maison à deux étages, un livre à trois tomes, un poème en vingt chants, un monde. En haut, sur un large fronton flamand, s’épanouit le cadran de la journée ; en bas, au fond d’une espèce de caverne où se meuvent pêle-mêle dans les ténèbres une foule de gros fils qu’on prendrait pour des antennes d’insectes monstrueux, rayonne mystérieusement le cadran de l’année. Les heures tournent en haut, les saisons marchent en bas. Le soleil dans sa gloire de rayons dorés, la lune blanche et noire, les étoiles sur fond bleu, opèrent des évolutions compliquées, lesquelles déplacent à l’autre bout de l’horloge un système de petits tableaux où des écoliers patinent, où des vieillards se chauffent, où des paysans coupent le blé, où des bergères cueillent des fleurs. Des maximes et des sentences un peu dévernies reluisent dans le ciel à la clarté des étoiles un peu dédorées. Chaque fois que l’aiguille atteint un chiffre, des portes s’ouvrent et se ferment sur le fronton de l’horloge, et des jaquemarts armés de marteaux, sortant ou rentrant brusquement, frappent l’heure sur le timbre en exécutant des pyrrhiques bizarres. Tout cela vit, palpite et gronde dans la muraille même de l’église avec le bruit que ferait un cachalot enfermé dans la grosse tonne de Heidelberg.

Cette collégiale possède un admirable Crucifiement de Van Dyck. Albert Durer et Rubens y ont chacun un tableau, un Christ sur les genoux de la Vierge. Le sujet est le même en apparence ; les deux tableaux sont bien différents. Rubens a posé sur les genoux de la divine mère un Jésus enfant, Albert Durer y a jeté un Christ crucifié. Rien n’égale la grâce du premier tableau, si ce n’est l’angoisse du second. Chacun des deux peintres a suivi son génie. Rubens a choisi la vie,’ Albert Durer a choisi la mort.